Le facteur

07/09/2017

Pour les Mamy, Papy, Maman, Papa, Mamou, Nanou, Papily, ... et ceux qui ont gardé une âme d'enfant :-)


« Bonjour, s'il vous plaît, voici une lettre pour vous ! »

Devant le miroir de sa chambre, Pico le hérisson se tient bien droit et parle tout haut.
Il veut devenir facteur!
Depuis qu' il est tout petit, Pico rêve de porter les lettres, les journaux et les colis, dans toutes les maisons du village.

Carotteville, là où Pico habite une cabane entourée de hautes herbes, est caché au fond des bois, à côté de la grande clairière en forme de banane.
Dans les autres villages de la forêt, les maisons sont toutes pareilles, toits en terre recouverts d'herbe sauvage et murs en écorces de chêne. Carotteville est bien différent !
Chaque maison a été inventée par son propriétaire. Chaque maison est unique et, toutes ensemble elles forment le plus merveilleux et le plus joyeux des villages !

La maison de Panache l'écureuil, le meilleur ami de Pico, est en forme de noisette. Celle d'Eclair le lièvre aux longues oreilles est entièrement construite de galets qu'il a ramassé le long de la rivière. La hutte de Sacha, la luciole, est couverte de guirlandes qui s'allument lorsque tombe la nuit.
A côté de ces belles maisons, le terrain de Jeanne la tortue semble bien vide. C'est qu'elle porte sa maison sur son dos ! Sur la petite parcelle de terre qui lui appartient se trouvent juste quelques fleurs et un doux tapis d ' herbe sur lequel elle se pose le soir en s'endormant.

Ce matin, Panache se rend à la poste avec Pico pour son premier jour de travail. Pico est fier ! Il a mangé un grand bol de céréales au petit-déjeuner et a enfilé son plus beau pantalon, le rouge, celui qui a la même couleur que la grande boîte aux lettres qui se trouve devant la poste .

Dans le bureau du chef postier, Pico reçoit le courrier à distribuer. On lui donne aussi une casquette toute neuve qu'il pose sur sa tête. Impatient, il voit dans un grand sac des tas de lettres de toutes les tailles, des journaux et un gros colis.
« Aide-moi Panache, je vais mettre les lettres et les journaux sur mon dos », dit Pico. « Je porterai le colis dans mes bras ». L'écureuil enfile alors chaque lettre et chaque journal sur les aiguilles du hérisson.

« C'est parti ! s'écrie Pico tout joyeux, je suis facteur !! »
Couvert du courrier pour les habitants du village, il commence sa tournée. Dans chaque boîte aux lettres, sans se tromper, il glisse les enveloppes.
Il est tellement heureux qu'il sautille sur les trottoirs.
« Je suis facteur, bonjour, bonjour !! » dit il aux habitants de Carotteville qui le regardent passer.
C'est la plus belle journée de ma vie ! Je vais rendre mes amis heureux en leur apportant de bonnes nouvelles ! pense le hérisson.

Pico ne met pas longtemps à parcourir tout le village. Aucune lettre, aucun journal n'a été oublié sur ses aiguilles et le gros colis est bien arrivé chez Julot le corbeau. La maison de Julot se trouve au-dessus d'un arbre mort. Un grand escalier mène jusqu'à sa porte. Pico, plein de courage, a grimpé jusqu'au sommet, le colis dans les bras, sans s'arrêter une seule fois.

Lorsqu'il revient à la Poste, Pico voit beaucoup de monde groupé devant la porte. En s'approchant il entend des cris de colère. Les habitants de Carotteville sont presque tous rassemblés autour du chef postier. Tous sauf Julot. Ils ont l'air très fâchés. Pico se rapproche d'eux, curieux.

« Que se passe-t-il, demande-t-il à Zoé la chenille, dont les nombreuses pattes s'agitent dans tous les sens.
« Ah c'est toi, te voilà !! » répond-elle avec un regard noir.
Pico n'y comprend rien.
« Il est revenu ! », crie alors Zoé et tout le monde se retourne vers le hérisson.

« Mais qu'est ce qui se passe ? » murmure Pico, effrayé de voir tous les yeux fixés sur lui.
« Pico ... (le chef de la poste soupire très fort, on entend le vent passer au dessus des têtes) ... tu as fait une énooooorme bêtise !! »
Sa voix résonne dans le village.
« Regarde ces lettres que l'on m'a rapportées ! »

Pico voit de gros trous dans les enveloppes. Pas une n'est intacte.
« Tes aiguilles ont percé tout le courrier ! Les lettres et les journaux sont illisibles ! »
Le chef de la poste est très en colère et Pico baisse la tête, tout triste.
« Je suis désolé, je n'y ai pas pensé, je ne voulais pas ... »
« Rends moi ta casquette, tu ne seras plus facteur à Carotteville ! »

Pico, penaud, enlève sa casquette et se dirige loin de la Poste sans relever les yeux.
Quand il arrive chez lui, il court dans sa chambre et se jette sur son lit en pleurant. Son rêve est fini, il ne sera jamais facteur !
De grosses larmes coulent sur ses joues.

Il sent un mouchoir glisser dans sa main et voit Panache assis tout près de lui. Son ami l'écureuil l'a suivi lorsqu'il a quitté la poste.
« Ne pleure pas Pico, tu as juste fait une bêtise, sans réfléchir, et je n'avais pas pensé non plus que les enveloppes seraient trouées. Nous sommes bien stupides tous les deux. »
Pico renifle : « maintenant je ne suis plus facteur, je suis le hérisson le plus triste de la forêt »

« Pico ! »
Une grosse voit retentit dans la chambre. Papycoti, le grand-père de Pico, se tient sur le pas de la porte, l'air grave.
« Voyons Pico, sèche tes larmes et réfléchit. Mais tout d'abord, redresse toi, essuie ton visage et mouche-toi ! »
Son ton ne laisse pas le choix, Pico s'assied et obéit. Puis il regarde tristement son grand-père.

Avant qu'il ne puisse lui raconter ce qui s'était passé, Papycoti recommença à parler, d'une voix plus douce cette fois.
« Ca arrive à tout le monde de faire des erreurs, Pico. Les habitants de Carotteville sont fâchés et c'est normal. Tout à l'heure ils se calmeront et vont vite oublier les trous dans le courrier. Chacun retrouvera ses occupations et tout ira bien, ne te tracasse pas pour ça. »
Pico l'écoute avec attention. Les larmes ne coulent plus de ses yeux.
« Mais le plus important, mon petit Pico, c'est de réaliser ton rêve ! »
« Mais grand-père ... »
« Chut ! Ecoute-moi ! » reprit Papycoti.
« Tu veux être facteur, c'est ton plus grand souhait. Et bien sois facteur ! Sois le meilleur facteur de Carotteville ! N ' abandonne pas, garde ton but. Tu es un hérisson intelligent, Pico. Il y a d'autres manières de porter le courrier et tu vas en trouver une. J'ai confiance en toi mon petit ! »

Pico frotte son nez avec le grand mouchoir bleu de Panache et descend de son lit.
« . Je veux être facteur ! » dit il bien fort .
Il avance vers la porte de la chambre en souriant à son grand père.
« Viens Panache, on retourne à la poste, on va trouver une nouvelle idée ! »
« Panache ... ? »
Son ami l ' écureuil a disparu.
« Où a-t-il bien pu passer ? »

Toc toc !! Quelqu' un frappe à la porte de la maison.
Pico se précipite pour ouvrir et se trouve nez à nez avec Panache qui le tire à l'extérieur.
« Regarde bien Pico, dit Panache »
L'écureuil se recule et Pico voit devant lui tous les animaux du village.
Il y a Jeanne et sa grosse carapace, Cassius le pigeon, Eclair, Zoé et même Julot le corbeau qui s'est joint à eux.
« Nous avons un cadeau pour toi Pico » dit Panache.
« Pour moi ? »
Pico ouvre de grands yeux.
« Une surprise ? Ce n'est pourtant pas le jour de mon anniversaire !»

Panache soulève la carapace de Jeanne avec un clin d'oeil.
« Doucement Panache, tu me chatouilles ! »
« Pardon Jeanne », dit Panache en prenant plus de précaution .
Il attrape un gros paquet emballé de papier multicolore avec un noeud brillant d'étoiles.
« Tiens Pico » dit il en posant le colis dans les mains du hérisson.

Pico déballe aussitôt son cadeau. Sous le papier glacé il découvre un magnifique sac de cuir noir, avec une bandoulière pour le porter sur l'épaule.
« Qu'il est beau... mais pourquoi m'offrez vous ce grand sac .. ? » dit Pico sans comprendre.

Ernest le lézard, le plus ancien habitant de Carotteville s'avançe, un papier à la main.
Il porte ses lunettes qui donnent l'impression que ses yeux sont de gros marrons.
Après avoir réclamé le silence d'un signe de la tête, il lit en articulant : « Nous te donnons ce cadeau parce que tu es notre ami et nous voulons tous que tu sois notre facteur . Tu pourras mettre le courrier dans le sac, il n'y aura plus de trou dans nos lettres et nos journaux. Sois notre facteur Pico ! »

Pico remercie tous ses amis et se tourne fièrement vers Papycoti qui sourit.
« Je vais être à nouveau facteur, grand père ! »

A partir de ce jour-là, Carotteville eut le meilleur facteur de toutes les forets. Et le courrier arriva à bon port sans plus aucun trou.

Moralité : si tu échoues en allant vers ton rêve, garde le rêve, change de chemin !