Je suis coupable

07/09/2017

Que je sois couverte d'une honte éternelle ! Que mon karma se complique d'une faute à expier !... J'ai rompu une promesse faite à mon mari et je ne sais pas du tout comment lui avouer.
Je n'ai pu résister, l'envie était trop forte. J'en rêvais depuis tellement longtemps ...
J'ai bien essayé de me dire que c'était une idée stupide, que la joie de l'avoir fait ne serait que passagère ... Je me suis répété, nuit et jour, pendant des semaines, que ça ne valait pas la peine de risquer les foudres de mon tendre époux. ... qui serait certainement beaucoup moins tendre lorsqu'il apprendrait ...
Jusqu'au dernier instant j'ai failli reculer. J'ai atteint la limite sans savoir si j'oserais.

Malgré tout, je l'ai fait et, pour être tout à fait franche, je ne regrette rien.

Debout sur le tabouret de la salle de bain, j'ôte délicatement le pansement qui couvre ma clavicule.
« Ouch c'est sensible ! »
Je mets un temps infini à dévoiler le morceau de peau qui me perdra.

« C'est trop beau ! J'aime à la folie ! »
« Qu'est ce que tu dis Chérie ? »
Mince, mon mari est derrière la porte et j'ai parlé tout haut ! Vite une idée, viiiite !!
« Rien mon coeur, j'essaie un nouveau rouge à lèvres »

Oups ... ça c'est l'idée stupide numéro 1 ! Je ne porte jamais de rouge à lèvres. Les rares fois où je me suis aventurée à en tester un, mes lèvres se sont effritées à tel point que j'ai cru les perdre à tout jamais. Je les voyais tomber en miettes, quelques morceaux voletaient autour de mon visage lorsque je les frôlais. Je ne vous dis pas l'effet que cela procure sur un patron qui est en train de vous expliquer la dernière courbe des ventes. Le mien en est resté bouche bée puis a reculé avec un air de dégoût. J'ai cru qu'il allait vomir. Il est devenu vert. Mais non, il a continué bravement - et succintement - son explication. C'est sans doute pour ça qu'il est chef, il a un fameux self contrôle.

Un silence, je retiens ma respiration.
« Je vais faire le plein d'essence, je reviens dans 10 minutes »
J'entends ses pas dans l'escalier. Sauvée !
Je bénis la différence entre les hommes et les femmes. Une femme n'aurait jamais cru à mon histoire de rouge à lèvres, elle aurait su, elle, que j'évitais cet accessoire dangereux et que ma réponse était louche.

Bon, me dis-je, et si je regardais un peu mieux ce chef d'oeuvre ? »
J'attrape un miroir grossissant et je le tiens devant mon épaule.
J'aime à la folie !
Je m'élance pour sauter de joie et de fierté mais je me rappelle à temps que je suis sur le tabouret. Je serre alors le poing en souriant et crie un « yessssssssssssss » qui résonne dans la pièce.

« Maintenant, il ne me reste plus qu'à lui montrer ... »
Je soupire et redescends du tabouret sur lequel je m'assieds, pensive.

Je me remémore les grands discours auxquels toute la famille et les amis ont droit lors de chaque soirée : « Pas question !! il n'est ab-so-lu-ment pas question que quelqu'un fume, se drogue, porte des piercings, des tatouages ou fasse de la chirurgie esthétique dans cette maison ! »
Mouais ... ça va être ardu, je pressens le pire ...
Je vois déjà mon mari debout sur la table basse, lever un doigt accusateur vers moi devant tous nos invités et faire mon procès « elle n'a aucune excuse, son acte était prémédité , elle a transgressé ma loi, elle est coupable, cou-pa-ble! ». (Quand il est énervé, mon époux ar-ti-cu-le. Une phrase peut prendre 10 minutes quand il est dans une rage folle).
Et d'ajouter d'un ton sans appel « j'ordonne 20 ans de travaux forcés sans possibilité de remise de peine ! ».
A cette idée, je me dis que je ne regarderai plus jamais de film policier. Et que j'aurais intérêt à prendre un avocat.

Et s'il faisait un malaise quand je lui dévoilerai la vérité toute nue ? Enfin c'est juste l'épaule que je dénuderai, si en plus je me déshabille pour faire des aveux il se dira qu'on m'a droguée, que je n'étais pas en pleine possession de mes facultés, que j'évite un jugement et qu'il faut un examen psychiatrique.
« Faut vraiment que j'arrête les séries à la télé ! ».
Je me secoue et me relève.
« Je vais lui cacher aussi longtemps que je pourrai ! Voilà ! Comme ça, pas de souci, il ne saura rien et j'aurai la paix ! »

Forte de ma décision, je replace doucement le pansement, non sans avoir à nouveau admiré ma peau tatouée.

... à suivre ...